Mise à jour de l’énoncé sur les changements climatiques d’origine humaine
La Société canadienne de météorologie et d’océanographie (SCMO) est une société nationale de particuliers et d’organismes dévoués à l’avancement des sciences atmosphériques et océaniques, et d’autres domaines environnementaux connexes, au Canada. La SCMO compte plus de 800 membres, provenant de centres de recherche, d’universités, d’entreprises privées et d’organismes gouvernementaux canadiens de premier plan. Elle est la mieux placée pour fournir aux Canadiens des conseils d’experts en matière de sciences des changements climatiques. Beaucoup de ses membres sont reconnus internationalement pour leur expertise scientifique. Ils participent activement aux évaluations approfondies établissant l’état actuel des connaissances, en ce qui concerne cet enjeu complexe. Ces évaluations nécessitent une étroite collaboration entre les scientifiques étudiant l’atmosphère et l’océan, et les scientifiques des domaines de l’environnement, de la société et de l’économie.

Que sont les changements climatiques d’origine humaine?


L’état du climat terrestre découle d’interactions complexes mettant en jeu l’atmosphère, les océans, la glace (terrestre et marine), la surface du sol et la couche sous-jacente. Le climat fluctue depuis toujours et continuera de montrer cette variabilité naturelle à diverses échelles temporelles. Certaines de ces variations sont liées à des éruptions volcaniques, à des modifications de l’orbite de la Terre ou à des fluctuations dans l’énergie provenant du Soleil. D’autres sont causées par les processus naturels du système climatique. Depuis la révolution industrielle du XIXe siècle, les activités humaines ont aussi notablement influé sur le climat. Ces changements climatiques d’origine humaine sont plus importants et rapides que les changements passés du climat terrestre, et ils sont bien documentés.

Les incidences d’origine humaine les plus importantes touchant le système climatique découlent de la modification de la composition de l’atmosphère, principalement en raison des émissions de gaz à effet de serre; le gaz carbonique (CO2) étant le plus important. Sur une échelle temporelle de millions d’années ou plus, la concentration de CO2 atmosphérique est déterminée par des processus géologiques. Le carbone, y compris les hydrocarbures comme le pétrole, le gaz naturel et le charbon, s’accumule naturellement dans des réservoirs géologiques. L’extraction des hydrocarbures, à partir de ces réservoirs, et leur combustion ont augmenté les concentrations atmosphériques de CO2, provoquant ainsi des changements climatiques d’origine humaine. La déforestation entreprise depuis deux siècles a aussi contribué considérablement à cette augmentation. La concentration de CO2 dans l’atmosphère dépasse actuellement d’environ un tiers la plus haute concentration estimée au cours des 850 000 dernières années. Elle a atteint un niveau encore jamais vu depuis le Pliocène, il y a plus de deux millions et demi d’années, une époque qui précédait non seulement la civilisation humaine, mais l’humanité même.

Bien que le CO2 soit un constituant naturel de l’atmosphère terrestre et qu’il tempère le climat de la Terre, les activités humaines ont accru sa concentration de plus de 40 % depuis le début de la révolution industrielle. Les concentrations d’autres gaz à effet de serre (comme le méthane et l’oxyde nitreux), présents en moindre quantité dans l’atmosphère, ont aussi augmenté à cause de l’activité humaine. À mesure que les concentrations de ces gaz à effet de serre augmentent, l’effet de réchauffement se renforce aussi.

Les océans constituent un réservoir majeur de CO2. Ils ont absorbé environ 25 à 30 % du CO2 que les humains ont rejeté dans l’atmosphère. Ce qui a augmenté leur acidité. On appelle ce processus l’acidification des océans. À mesure que l’eau de mer s’acidifie, elle devient corrosive pour les coquilles et les exosquelettes d’une grande variété d’organismes marins. Parallèlement au réchauffement des océans, l’acidification entraîne un stress supplémentaire sur les écosystèmes marins.

À cause de l’augmentation des gaz à effet de serre, l’atmosphère et les océans se réchauffent. Ce réchauffement s’accompagne de modifications des précipitations, des vents, du niveau de la mer, ainsi que de la couverture de neige et de glace. Prises avec l’acidification des océans, ces modifications constituent les changements climatiques d’origine humaine.

Les changements climatiques passés et futurs : la situation planétaire

Les observations directes montrent que la surface de la Terre s’est réchauffée au cours du siècle dernier. Bien que les fluctuations naturelles du climat produisent des hausses et des baisses de température, il existe une tendance globale indiquant un réchauffement planétaire de la surface terrestre et se situant en dehors des limites de la variabilité naturelle. Les dix premières années du XXIe siècle se sont avérées les plus chaudes selon les relevés instrumentaux remontant jusqu’à 1850. Aucune année depuis 1985 n’a connu une moyenne de température mondiale sous la normale de la période 1960-2010. Il existe des preuves solides attestant que la fréquence de précipitations abondantes en Amérique du Nord est en hausse. Partout dans le monde, presque tous les glaciers sont en recul. La masse des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique diminue. L’étendue et le volume des glaces estivales de l’océan Arctique ont régressé de façon spectaculaire au cours des dernières décennies. Les années 2007 et 2012 ont présenté des pertes sans précédent.

L’interruption apparente de l’augmentation de la température mondiale moyenne de l’air en surface, au cours de la dernière décennie, a reçu une attention considérable. Des fluctuations du taux de réchauffement sont à prévoir. Durant les 150 dernières années, pour lesquelles nous possédons des données fiables, il existe des périodes montrant des plateaux semblables et même de brèves chutes. L’étude des changements climatiques doit se concentrer sur les tendances à long terme. Celles-ci indiquent indubitablement une hausse de 0,9 o C depuis 1901.

Ces modifications du climat terrestre s’accordent avec notre compréhension des processus physiques et chimiques fondamentaux qui régissent le climat. En reproduisant mathématiquement ces principes, les modèles de climats peuvent prévoir la réaction du système climatique aux émissions de gaz à effet de serre et aux autres facteurs le régissant.

Ces modèles prévoient un réchauffement à la surface et dans la basse atmosphère, partout sur le globe, en réaction à l’augmentation des gaz à effet de serre atmosphériques. Bien que des régions puissent connaître un refroidissement temporaire en raison de changements ans les circulations des océans et de l’atmosphère, la plupart des régions se réchaufferont. Le réchauffement se mesure souvent en considérant la « sensibilité du climat », soit l’augmentation à long terme de la température de surface quand on double la quantité de CO2 atmosphérique. Des valeurs allant de 1,5 à 4,5 o C sont considérées comme un résultat probant, qui n’a pas véritablement changé, à mesure que notre compréhension du système climatique s’est accrue. Comme les relevés instrumentaux, les modèles climatiques présentent une variabilité « naturelle » du taux d’augmentation de la température résultant des émissions de gaz à effet de serre. Ensemble, les modèles régionaux et les modèles climatiques prévoient en outre :

  • des canicules plus longues et plus intenses qu’avant;
  • une augmentation des précipitations extrêmes;
  • une perte accélérée de la glace de mer arctique estivale et la possibilité d’une saison presque libre de glace dans l’océan Arctique, d’ici le milieu du XXIe siècle ou même avant;
  • un taux accru de fonte des glaciers et des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique;
  • une hausse du niveau mondial de la mer causée par la fonte de la glace terrestre et par la dilatation thermique de l’eau de mer due au réchauffement des océans;
  • l’acidification accrue de l’eau de mer.

Ces changements produiront des impacts écologiques et socioéconomiques. Les risques pour l’humanité comprennent notamment les inondations dues aux précipitations extrêmes et à la hausse du niveau de la mer, ainsi que la perte et la modification de terres agricoles productives, en raison du réchauffement et de la modification du cycle de l’eau. Les incidences sur les écosystèmes incluent la détérioration ou la perte d’habitats de certaines espèces. Bien que des organismes se soient adaptés aux changements climatiques passés, cette évolution s’est déroulée plus lentement que ne l’exigeraient les changements actuels causés par les humains. L’évolution prévue du climat entraînera vraisemblablement des pertes substantielles de biodiversité, ainsi qu’une nouvelle répartition des espèces.

Ces projections comportent des incertitudes. Le système climatique est complexe et il est régi par des processus d’échelles temporelles et spatiales diverses. Comme les modèles climatiques comprennent des simplifications et des approximations, et que les processus qu’ils représentent ne sont pas parfaitement compris, les projections quantitatives varient souvent de modèle en modèle, même si elles se fondent sur les mêmes valeurs futures de concentrations de gaz à effet de serre. En outre, il existe des écueils scientifiques quant à la compréhension des interactions entre les diverses composantes du système climatique. L’incertitude relative à la sensibilité du climat et l’incapacité des modèles à reproduire l’interruption récente de l’augmentation de la température moyenne mondiale de l’air en surface nécessiteront des études approfondies.

On s’efforce, à l’échelle mondiale, de bien comprendre et, dans la mesure du possible, de réduire ces incertitudes. Le Cinquième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui est en cours de publication en 2013 et 2014, résume la situation mondiale quant à notre compréhension des changements climatiques.

Les changements climatiques passés et futurs : la situation au Canada

Les populations mondiales ressentiront différemment les changements climatiques. Au Canada, ces impacts sont largement déterminés par l’emplacement boréal du pays dans les hautes et moyennes latitudes, et par son immense littoral. Les années 2001 à 2010 se sont avérées la décennie la plus chaude au Canada, depuis l’enregistrement des premières mesures. Cette chaleur anormale a surpassé celle survenue ailleurs en Amérique du Nord. Les modèles de climat prévoient que le réchauffement d’origine humaine s’intensifiera dans les hautes latitudes de l’hémisphère Nord. En conséquence, le réchauffement prévu pour le Canada est supérieur à la moyenne mondiale. Bien que ce réchauffement puisse s’avérer profitable (allongement de la saison de croissance), d’autres effets seront négatifs et poseront des problèmes d’adaptation. Par exemple, les modifications prévues dans la saisonnalité du cycle de l’eau pourraient entraîner des précipitations hivernales liquides plutôt que solides dans l’ouest du pays, réduisant ainsi l’eau disponible en amont pour l’agriculture durant le printemps et l’été. Des canicules plus longues et plus intenses que par le passé et des précipitations extrêmes accrues sont à prévoir. Une saison libre de glace dans l’océan Arctique facilitera le transport dans cette région, mais perturbera en profondeur les communautés humaines et les écosystèmes locaux. La hausse du niveau de la mer augmentera l’érosion des berges et menacera l’infrastructure côtière. Ces changements seront particulièrement prononcés dans l’Arctique en raison du recul de la glace de mer. La fonte du pergélisol menacera l’infrastructure nordique. De plus, le carbone libéré par cette fonte contribuera vraisemblablement à la modification de la composition atmosphérique amorcée par la combustion de combustibles fossiles. L’acidification des océans et le stress que le réchauffement causera aux écosystèmes océaniques seront sans doute particulièrement graves dans l’Arctique. Les changements climatiques causés par l’humain poseront des problèmes considérables aux Canadiens au cours du XXIe siècle et au-delà.

Réagir et s’adapter aux changements climatiques : un défi pour les Canadiens

Même si les émissions anthropiques de gaz à effet de serre dans l’atmosphère devaient cesser aujourd’hui même, les émissions passées ont déjà fait basculer la planète vers des changements à long terme du climat. Le dioxyde de carbone produit par la combustion de combustibles fossiles restera dans l’atmosphère pendant des siècles ou des millénaires. La lente réaction de l’océan par rapport au réchauffement atmosphérique permettra aux changements climatiques de persister encore longtemps. Des émissions supplémentaires de CO2 entraîneront des modifications anthropiques accrues en proportion du total cumulatif d’émissions. Pour être efficaces, les interventions servant à atténuer les changements climatiques doivent réduire les émissions. Afin d’éviter des changements climatiques socialement, économiquement et écologiquement néfastes, nous n’aurons d’autre solution que de laisser dans le sol le carbone des combustibles fossiles non extraits. De prétendues solutions de géoingénierie ont été proposées pour contrer les incidences des émissions de gaz à effet de serre. Elles restent du domaine de la spéculation, mais pourraient entraîner des conséquences non voulues considérables. De plus, très peu des solutions proposées règleraient la question de l’acidification des océans.

Même si le Canada ne constitue que 0,5 % de la population mondiale, il émet 1,8 % du CO2 total (en date de 2008). Ces émissions représentent un des taux par personne les plus élevés au monde. Plus on brûle de combustibles fossiles, plus le climat change. L’urgence pour la communauté mondiale, et pour les Canadiens en particulier, consiste à apprendre à s’adapter aux changements climatiques déjà en cours et à établir des mesures efficaces pour éviter d’autres impacts dommageables des changements climatiques, pour les générations actuelles et futures.

Le Forum canadien du climat

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat

L’Organisation météorologique mondiale

State of the Arctic Coast 2010

National Oceanographic and Atmospheric Administration (USA) Annual State of the Climate Report

L’action du Canada sur les changements climatiques